Setter anglais/setter gordon
Un article d'Alain Dampérat (*), publié sur bluebelton.com.
LES SETTERS ANGLAIS ET GORDON
AU BOIS, FACE À LA BÉCASSE
Le setter anglais est numériquement le plus représenté dans notre pays, avec près de 6000 naissances, ce qui le place pratiquement au premier rang des chiens d’arrêt. Le setter Gordon, compte pour sa part environ 1000 naissances, c’est-à-dire six fois moins que son cousin. Il n’en demeure pas moins que d’excellents sujets existent dans les deux races et font la joie des bécassiers qui les utilisent.
DEUX POLITIQUES D’ÉLEVAGE DIFFÉRENTES
En France, une politique d’élevage bien menée, dans le sens de la chasse au caractère sportif, a permis au setter anglais de prendre une magnifique expansion, en brillant tant sur les terrains de chasse, que sur ceux des concours. Le setter Gordon est resté plus discret sur les terrains de field-trial, du fait de la différence numérique, mais demeure parfaitement adapté à la chasse pratique de base. Néanmoins, des sujets de cette race brillent en concours et arrivent au plus haut niveau dans toutes les disciplines.
UNE SEULE ET GRANDE FAMILLE DE SETTERS
Issus des îles britanniques, les setters composent depuis toujours, la base des chiens d’arrêt dans ce pays. Leurs différences morphologiques étaient liées uniquement à la qualité des terrains sur lesquels ils étaient employés. L’anglais et le Gordon, appelé “Noir et Feu”, avaient de nombreux points communs. Initialement certains chenils ont privilégié des particularités de robe, plus pour se démarquer que pour former des races à part entière.
C’est l’avènement des expositions qui fut à la base des standards de race, obligeant ainsi tous ces chenils à choisir leur camp et à s’inscrire dans un carcan bien précis. Bien que cette démarche eut le mérite de clarifier la situation et de définir les races, elle mit à l’index certaines souches aux qualités naturelles remarquables. C’est ainsi que le setter noir et feu devint Gordon, en perdant ses taches blanches, mais aussi certainement une bonne partie de son âme et de ses qualités initiales. Le setter anglais bénéficia de plus de chance de la part des fondateurs de la race, pour lui, toutes les couleurs furent permises, à l’exception du rouge réservé à l’irlandais et du black and tan laissé au Gordon.
ANGLAIS OU GORDON, DES EXPERTS FACE À LA BÉCASSE
Au-delà des qualités premières qui font d’un chien d’arrêt, un bécassier, ce ne sont que les aptitudes propres aux races qui peuvent guider un choix, sachant qu’un chiot ne naît pas bécassier et que pour le créancer de nombreuses sorties seront nécessaires, assorties bien sûr à un nombre important de rencontres sans lesquelles rien n’est possible. Un chien bécassier plus que tout autre, se fabrique à la main de celui qui l’utilise. Ici tout est affaire de contact et de confiance mutuelle. Je parle bien sûr des chasseurs qui laissent leurs chiens étendre leur quête aussi loin qu’il est possible de l’entendre. Le chien bécassier doit au même titre que son conducteur détecter les endroits susceptibles de recéler des bécasses, en d’autres termes on appelle cela “avoir le sens de la place”. Les setters sont passés maîtres dans cet art.
C’est certainement ce sens de la place et cette passion innée pour la chasse au bois en milieu relativement couvert et fermé, qui fera préférer le ou les setters aux chasseurs désireux d’en découdre avec la dame des bois. Je pense que tous les setters ont une propension naturelle pour travailler efficacement au bois. Que la végétation soit claire ou dense, que son contact soit aisé ou plutôt hostile, le setter saura s’immiscer et se faufiler au plus profond des taillis. Quand le loisir lui en sera donné, il saura également montrer l’amplitude de sa quête et la rigueur méthodique de ses recherches.
Les setters, avec un grand “S”, car mon propos englobe les deux races sans distinction de couleur, sont des “Roublards”. Ils font corps avec le bois et le contact qu’ils peuvent avoir avec leur conducteur est sûrement leur meilleur atout. S’ils mènent leurs recherches, c’est uniquement dans le but de bloquer et de prendre en équipe avec leur maître, l’oiseau qu’ils auront localisé.
DEUX APPROCHES DIFFÉRENTES
C’est ici que commence à se différencier le travail de nos deux setters. Autant l’anglais sera prudent indiquant plusieurs fois, coulant près du sol, ne passant pas un miroir, autant le Gordon après avoir pris connaissance de la place remontera avec autorité vers la refuite de l’oiseau.
À ces deux comportements, deux qualités, mais aussi deux défauts, l’un n’allant pas sans l’autre. À l’anglais trop prudent, qui risquera d’arrêter une place chaude, ou bien un miroir juste lâché, la bécasse piéteuse risque de jouer des tours, en se défilant sur quelques dizaines de mètres, pour prendre son essor hors de portée de tir. À l’inverse le Gordon souvent trop autoritaire risquera par sa décision de bousculer un peu l’oiseau déjà sur ses gardes et se bloquera à l’assis derrière un oiseau qui lui giclera sous le nez.
Mais ces deux comportements n’ont pas que des défauts. Le chasseur qui connaît bien son anglais, le voyant ralentir ou bloquer à plusieurs reprises, prendra soin de faire les grands devants, pour couper la route à l’oiseau fuyard, laissant ainsi tout à loisir son chien bloquer fermement. Dans ce cas, les chiens intelligents qui ont eu plusieurs fois l’occasion de se faire berner remonteront avec plus d’autorité et apprendront avec le temps à jouer avec l’oiseau.
L’autorité du Gordon a souvent du bon également par sa rapidité, il surprend souvent l’oiseau, qui restera bloqué à quelques mètres de son nez, laissant ainsi tout à loisir son maître se placer, pour tirer dans de bonnes conditions.
Avec le temps et les tapes successives, les Gordon les plus fougueux se calment également, trouvant la distance juste à leur arrêt. C’est à partir de ce moment que le bécassier gordonnier possédera le compagnon idéal pour toutes les situations.
La vérité existe t-elle en matière de travail à la bécasse. Sans doute ! L’important c’est que le maître et le chien y trouvent leur compte. Pour ma part, il m’a été donné de chasser avec de grands chiens dans chaque race. Le meilleur souvenir m’a été laissé par deux grandes chiennes, Jaffa de Béhigo, pour les anglais et Imona du Bois de Pied de Borde pour les Gordon. Ces deux expertes chacune dans leur style ont écumé ce que l’Europe et la France comptent comme épreuves nationales et internationales, mais elles ont été aussi pour moi source de grandes joies, comme cela a pu être le cas pour leurs deux propriétaires Jean-Yves et Philippe.
DEUX COMPORTEMENTS ET STYLES DIFFÉRENTS
À qualités égales de prestations et de travail sur cet oiseau, le comportement des deux setters diffère quelque peu. Mon propos n’est pas de démontrer qu’une race est supérieure à une autre dans ce domaine, car il existe de bons chiens dans chacune. Ce ne sont pas les participants aux concours de travail ni les chasseurs de bécasses qui me contrediront.
Le setter anglais, séduit en premier par le plaisir qu’il procure en évoluant de façon facile, en se jouant des obstacles et du relief du terrain. Ce chien très intelligent est facile à manier, il est relativement précoce et d’une grande efficacité. Mais je pense que ce qui peut faire préférer un setter anglais, c’est à coup sûr la certitude de vivre avec lui des moments de très grande émotion cynégétique, car ce grand sportif est aussi un artiste, peut-être quelquefois un peu sensible de nez, mais à la bécasse ce léger défaut est souvent considéré comme une qualité.
Le setter Gordon n’a rien à envier à son cousin. Chasseur dans l’âme, le Gordon est un passionné et s’il pêche le plus souvent c’est par excès. La sûreté de ses arrêts reste son atout majeur, avec sa grande résistance. Ce chien très endurant est plus direct dans ses recherches que l’anglais, il lui arrive parfois de “casser du bois”, mais n’est ce pas là ce qui fait un peu son charme. Chien de bois par excellence, il voue une passion sans mesure pour la bécasse, qu’il sait verrouiller avec une grande efficacité.
Si l’efficacité d’un chien est importante, car c’est elle qui conditionne la qualité et le résultat de la chasse, la façon dont il travaille est son identité propre. Le style est l’âme et l’essence même d’une race. Sans style, nos deux setters ne sont que des chiens de chasse communs, avec du style, ils sont les dignes représentants et héritiers de ce que des générations d’éleveurs settermen et gordonniers ont su mettre en place.
L'article a été publié sur bluebelton.com le 18/06/2009.
(*) L'auteur Alain Dampérat est un des plus grands éleveurs de setter gordon que la France ait connu. De son élevage du Grand Valy sont issus toute une lignée de grands champions. Il est aussi journaliste et photographe. Il est publié régulièrement dans la presse spécialisée. Il est aussi l'auteur de quelques ouvrages de référence.